Hier vue comme un modèle réservé à de grandes entreprises, l'infogérance, consistant à confier à une SSII la gestion d'une partie de son informatique, est maintenant à portée des PME. A condition de savoir réorganiser ses équipes d'informaticiens internes en conséquence.
Dans une étude récente, réalisée par le cabinet d'étude KS&R (mandaté par IBM) auprès de quelque 2100 organisations de taille moyenne dans le monde, l'optimisation des infrastructures (serveurs, postes de travail, routeurs...) arrive toujours en tête des priorités des dirigeants, citée par trois quarts d'entre eux. "Leur objectif en réalité est de passer moins de temps à gérer cet existant, qui concentre 70 % des dépenses informatiques des PME", analyse Eric Taillard. Confier ce pan de l'informatique interne, ou des applications bien en place, à un prestataire constituerait donc une façon pour les PME de se recentrer sur de nouvelles missions, comme la mise en place d'indicateurs de pilotage de l'activité, autre chantier vu comme prioritaire par les dirigeants dans l'étude.
En dehors de cette volonté de se décharger d'un sujet trop consommateur de ressources, d'autres motivations peuvent amener les PME vers l'externalisation de tout ou partie de leur informatique, comme l'internationalisation débouchant sur la nécessité pour l'informatique de couvrir de nouvelles plages horaires.
La baisse des prix unitaires
Si PME et infogérance ne semblent plus antinomiques, c'est que, tout simplement, les prestataires ont désormais des offres adaptées, ce qui n'était pas encore le cas voici quelques années. "Le marché de l'externalisation pour les grands comptes est de toute façon saturé, hors les renouvellements de contrats, note Franck Nassah, du cabinet Pierre Audoin Consultants (PAC). De facto, les prestataires sont descendus dans la taille des entreprises qu'ils ciblent, même s'il subsiste un bémol lié à l'organisation des SSII, plutôt adaptée aux relations avec des grandes entreprises". Pour Gabriel Provost, consultant au sein de la société de conseil Solucom, dont une des activités consiste à accompagner les entreprises dans la négociation de leurs contrats d'externalisation, cette extension du domaine de l'infogérance résulte de l'automatisation et de l'harmonisation des processus de gestion de ces prestations au sein des SSII. Travail qui a permis de réduire les prix. Ainsi, selon lui, entre 2009 et 2010, les tarifs des unités d'œuvre (permettant de quantifier les services produits par le prestataire) ont baissé en moyenne de 10 à 12 %.L'externalisation passe d'abord par un gros chantier de préparation : construction de l'appel d'offres, dépouillement des offres, négociations avec les prestataires retenus en short-list. "Les modes de tarification et les offres proposées sont très complexes, souligne Gabriel Provost. Et les prestataires vont tenter d'imposer leurs contrats tout faits, le négociation des clauses peut vite s'avérer tendue". Selon lui, il faut compter un trimestre pour la rédaction de l'appel d'offres, autant pour les premiers échanges avec les prestataires, sans oublier la négociation finale dont la durée est très variable en fonction de la complexité du contrat. "C'est un vrai projet consommateur de temps", note-t-il.
Piloter le contrat ou se retrouver prisonnier de son prestataire
Au-delà de cette phase préparatoire, il faut également réorganiser les équipes informatiques internes, pour piloter ce contrat au quotidien. "L'une des difficultés, déjà bien identifiées chez les grands comptes, concerne la gestion opérationnelle du contrat, pour laquelle il faut affecter des ressources, formées à ces sujets au préalable", souligne Franck Nassah. Une question qui se pose avec d'autant plus d'acuité que les PME ne disposent souvent que de quelques personnes au sein de leur service informatique (par exemple entre 5 et 10 pour une entreprise industrielle de 1 000 personnes). "Nous voyons souvent des PME dont les contrats arrivent à échéance sans avoir réellement piloté la prestation durant toute sa durée, ajoute Gabriel Provost. L'entreprise se retrouve alors pieds et poings liés avec son prestataire". Le consultant recommande de veiller à ce que ce dernier enrichisse régulièrement la documentation et tienne à jour le plan de réversibilité (contenant les modalités de sortie du contrat), mais sans tenter de faire de l'ingérence dans les modalités techniques d'exécution. "Le périmètre externalisé doit être vu comme une boîte noire par l'entreprise, tranche-t-il. Et le contrat piloté via les résultats délivrés". Une certaine forme de perte de contrôle qui doit être acceptée par les équipes internes.Par Reynald Fléchaux
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